Greffes de cornée

Sommaire

    Indications

    Qu’est ce que la cornée?

    Il s’agit d’une membrane fibreuse et transparente qui se trouve en avant de l'œil. Avec le cristallin, elle permet la convergence de la lumière en arrière de l'œil, sur la rétine. La cornée est la lentille (le dioptre) le plus puissant de l’œil. Son épaisseur est en moyenne de 520 μ au centre et 700 μ en périphérie. Elle est composée de 3 couches cellulaires : l’épithélium en surface, le stroma et l’endothélium en profondeur.

    Le principe de la greffe de cornée 

    Le principe de la greffe de cornée (ou kératoplastie) est simple.

    Il s’agit d’échanger la partie centrale de la cornée malade par la même partie de cornée saine d’un donneur décédé. Le prélèvement, la conservation et la délivrance des greffons sont très strictement codifiés. La greffe de cornée est un geste chirurgical à présent bien maîtrisé. Les kératocônes représentent environ 1/3 des indications. Seuls les patients dont l’acuité visuelle est faible et non améliorable par un système optique sont inscrits sur la liste d’attente pour un greffon cornéen.

    Les différents types de greffes 

    Au cours des 15 dernières années, les greffes de cornée ont évolué d’une approche invasive (kératoplastie transfixiante ou KT) vers une approche plus conservatrice (greffes lamellaires) cherchant à ne remplacer que la couche cornéenne pathologique et à préserver les autres couches saines de la cornée du patient.

    La kératoplastie transfixiante est une intervention plus lourde, présentant les risques peropératoires d’une chirurgie à globe ouvert et postopératoires d’un rejet de greffe, variables suivant les facteurs de risques présents : néovaisseaux, jeune âge, greffes itératives….

    Sur le plan visuel, la KT génère un astigmatisme cornéen souvent important et irrégulier malgré la possibilité de gérer l’ablation des sutures dans le temps.

    Les greffes antérieures (KLAP, DALK, SALK...)

    Depuis environ deux décennies et grâce à plusieurs innovations technologiques issues des progrès de la chirurgie réfractive cornéenne (microkératome, laser femtoseconde…), le concept des greffes lamellaires de cornée a beaucoup évolué. Plusieurs techniques de greffes lamellaires sont apparues. Ces techniques permettent de ne remplacer que la couche cornéenne pathologique et de conserver les autres couches saines. Les greffes lamellaires cornéennes peuvent schématiquement être classées en antérieures, destinées à remplacer un stroma pathologique (kératocône, dystrophies ou taies stromales…) et postérieures destinées à remplacer un endothélium déficient (dystrophie de Fuch’s, décompensation endothéliale du pseudophake…).

    Les greffes lamellaires antérieures peuvent être superficielles (SALK = Superficial Anterior Lamellar Keratoplasty) si la lésion ne concerne que le stroma superficiel. Elles sont le plus souvent profondes (DALK : Deep Anterior Lamellar Keratoplasty ou KLAP en Français : Kératoplastie Lamellaire Antérieure Profonde) lorsque la lésion stromale est plus profonde. Nous dirons un mot rapide des SALK qui sont d’indication plus rare avant d’aborder les DALK.

    Greffes lamellaires antérieures superficielles (SALK)

    Principe

    La greffe lamellaire antérieure superficielle ou SALK (Superficial Anterior Lamellar Keratoplasty) consiste à ne remplacer qu’une lamelle de stroma cornéen superficiel. Cette technique est indiquée en cas de lésions stromales superficielles (taies, cicatrices…), touchant l’axe optique et limitant la vision, mais néanmoins trop profondes pour être traitées en PKT (laser excimer thérapeutique de surface).

    Avantages et inconvénients

    Il s’agit d’une technique peu invasive, générant peu d’astigmatisme et avec un risque de rejet très réduit. L’amélioration visuelle est le plus souvent limitée par l’interface stromale induite.

    Greffes lamellaires antérieures profondes (DALK)

    Principe

    La DALK (Deep Anterior Lamellar Keratoplasty) ou KLAP en français (Kératoplastie Lamellaire Antérieure Profonde) consiste à remplacer la totalité du stroma cornéen et à ne conserver que la membrane de Descemet et l’endothélium du receveur.

    Indications

    Cette technique est indiquée pour toutes les pathologies stromales avec endothélium sain au premier rang desquelles le kératocône. Les dystrophies stromales (Groenouw 1 et 2, grillagée, …) ou séquelles de kératite infectieuse (kératite interstitielle ancienne) sont des indications plus rares.

    Technique

    La greffe lamellaire antérieure profonde repose sur l’existence d’un plan de clivage entre le stroma et la membrane de Descemet qu’il est possible de disséquer de plusieurs manières. La méthode la plus couramment utilisée et la plus efficace est la technique de la « big bubble », consistant à réaliser une aérodissection de ce plan en injectant de l’air sous forte pression. Elle nécessite une courbe d’apprentissage plus ou moins longue. Lorsque la « big bubble » n’est pas obtenue, une conversion en KT est nécessaire.

    Avantages

    L’intérêt principal de la DALK par rapport à la KT se mesure en terme de longévité endothéliale. D’un point de vue endothélial, la durée de vie d’un greffon après KT est de l’ordre de 20 ans en moyenne, limitée par le risque de rejet endothélial d’une part et surtout par la décroissance endothéliale du greffon d’autre part, bien plus rapide que la décroissance physiologique de l’endothélium sain du receveur. Ainsi, les jeunes patients kératoconiques greffés en DALK conserveront leur greffon toute la vie au lieu de 20 ans en moyenne après KT.

    La DALK permet également de retirer les sutures et d’équiper les patients en lentilles rigides plus tôt qu’après KT. En revanche, la récupération visuelle et l’astigmatisme post-opératoires sont comparables en DALK et en KT.

    Malheureusement, même dans les mains les plus expertes, dans seulement 75 % des cas environ, il est possible de préserver l’endothélium. Une conversion peropératoire en greffe transfixiante est alors effectuée, ce qui ne diminue en rien la qualité de la récupération visuelle.

    Les greffes endothéliales 

    Quand l’endothélium est la seule couche pathologique, il est possible de ne remplacer que cette seule couche cellulaire. On parle de greffe endothéliale.

    C’est la technique moderne de choix de la décompensation endothéliale. Ce type de greffe consiste à découper la partie postérieure du greffon du donneur pour ne garder que l’endothélium et à l’injecter dans l’œil du patient après ablation de son propre endothélium. L’endothélium du greffon sera maintenu en place par une bulle d’air injectée dans l’œil. Cette technique permet de conserver l’architecture de l’œil du patient en ne faisant qu’une petite incision de cornée.
    L’avantage est de diminuer fortement les risques de rejet de greffe, d’infection et d’astigmatisme cornéen.
    Le traitement et les suites post-opératoires sont plus simples que dans la KT.
    La récupération visuelle est sensiblement indentique dans les deux techniques.

    La greffe endothéliale bénéficie d’améliorations techniques constantes, notamment au niveau de la découpe de l’endothélium du greffon pouvant être effectuée par un microkératome ou au laser.

    Les techniques les plus utilisées sont la DSAEK (Descemet Stripping Automated Endothelial Kératoplasty) et la DMEK (Descemet Membrane Endothelial Kératoplasty).

    • La kératoplastie lamellaire postérieure par DSAEK
    Il s’agit de la technique de référence dans le monde depuis 2008. Elle permet une découpe automatisée à l’aide d’un microkératome du greffon du donneur. Celui-ci est placé sur une chambre antérieure artificielle et aminci, pour ne garder qu’une fine couche postérieure du greffon. Celui-ci est ensuite injecté par 4 mm dans l’oeil du receveur. Avec cette technique, l’intervention est courte pour le patient : 15 à 20 minutes. Elle est beaucoup plus longue pour le chirurgien qui doit préparer le greffon auparavant. Il n’a plus qu’1 à 2 fils de suture retirés un mois après, en consultation.
    Les suites opératoires sont donc beaucoup plus simples.
    Le traitement antirejet est maintenu pendant seulement 6 mois après l’opération.
     
    L’intervention nécessite une nuit d’hospitalisation.
    Elle se déroule sous anesthésie locale ou générale. Dans ce denier cas, l’anesthésie est courte car elle n'est débutée qu’une fois le greffon préparé.
    Après l’intervention, le patient doit rester strictement sur le dos et regarder au plafond pendant quelques heures. En effet, en fin d’intervention, le chirurgien met en place une bulle d’air qui maintient le greffon collé sur la cornée du receveur.
    Le lendemain de l’opération le chirurgien vérifie que le greffon est en place et autorise la sortie du patient.

    La récupération visuelle dure plusieurs semaines même si elle est plus rapide qu’avec une technique de greffe de cornée classique.

    • La kératoplastie lamellaire postérieure par DMEK

    Il s’agit d’une technique de greffe complexe qui permet de changer uniquement l’endothélium cornéen. Elle est plus difficile à mettre en œuvre que la DSAEK, avec un pourcentage de reprise chirurgicale de 20%. Elle semble donner de meilleurs résultats dans certain cas, que la DSAEK mais son utilisation reste limitée.

    Les greffes transfixiantes 

    En cas d’atteinte irréversible du stroma et de l’endothélium (ou en cas d’échec d’une greffe prédescemétique ou endothéliale), la réalisation d’une greffe transfixiante s’impose. C’est la technique de greffe la plus ancienne et sur laquelle nous avons le plus de recul.

    La cornée est trépanée sur un diamètre d’environ 8 mm, et sur toute son épaisseur. Elle est remplacée par un greffon de même diamètre, ou légèrement supérieur. Le greffon est suturé soit par un surjet, soit par des points séparés, soit par une association des deux techniques. Les sutures seront laissées en place pendant une durée de 6 mois à un an, retirées en consultation.

    Les indications sont :

    • les dystrophies bulleuses par décompensation endothéliale après chirurgie de la cataracte (20 à 50% des greffes). Ce type de pathologie douloureuse est très améliorée par la greffe qui entraîne une disparition des douleurs et une amélioration de la vision. Cette indication est devenue plus rare du fait de l’amélioration des techniques de dépistage des cornées fragiles et de la chirurgie de la cataracte.
    • le kératocône (10 à 30%). Les patients sont opérés quand ils ne peuvent plus être équipés par des lunettes ou des lentilles, ou quand on constate une évolution défavorable de la cornée avec un risque d’œdème ou de perforation spontanée (kératocône aigü).
    • les kératites infectieuses dont la kératite herpétique (10 à 20%). La kératite herpétique peut récidiver sur le greffon, ce qui nécessite un traitement antiviral tant que le patient est traité par cortisone. On greffe les yeux qui présentent une opacité stromale et qui n'ont pas eu de poussée d'herpès depuis au moins six mois.
    • la dystrophie de Fuchs (10%) et les dystrophies héréditaires. Ce sont des causes plus rares et souvent bilatérales.
    • les échecs de greffes
    • les cicatrices cornéennes post-traumatiques.

    Bilan pré-opératoire

    La première étape est l’inscription sur la liste des patients à greffer à l’agence de la biomédecine. Une fois l’inscription enregistrée, le patient doit rester joignable à tout moment.

    L’attente d’un greffon disponible est variable de quelques semaines à plusieurs mois.

    Une consultation en vue de l’anesthésie, générale ou locale, est organisée et un document de consentement éclairé doit être signé après explications par le chirurgien.

    En cas d’appel, le délai de prise en charge pour réaliser la greffe dans de bonnes conditions est de quelques jours (8 à 10 jours maximum). Ce délai court explique la nécessité d’avoir un bilan préopératoire complet pour programmer rapidement la greffe dès la disponibilité d’un greffon.

    Déroulement de l’intervention

    Le jour de l’intervention, le patient doit arriver à jeun.

    Le geste chirurgical dure entre 1 heure et 1h30 selon la technique choisie par le chirurgien. Une ou deux nuits d’hospitalisation sont en général nécessaires.

    Le patient sera revu par le chirurgien à J1 lors d’une consultation à la clinique.

    Un arrêt de travail d’un mois est généralement prescrit si nécessaire. Un traitement antibiotique et anti-inflammatoire (cortisone) est prescrit en collyres à doses dégressives pour une durée de 3 à 12 mois selon la technique.

    C’est au chirurgien de choisir le type de greffe le plus adapté pour chaque patient.

    Les risques per-opératoires restent assez faibles, comme le centrage de la découpe et le réglage des sutures dans le cas des KT, et la préparation du greffon pour les greffes endothéliales.
    Les risques infectieux sont identiques à toute chirurgie à globe ouvert. Ils sont rares.

    Suivi post-opératoire

    Les consultations

    Le patient est revu régulièrement en consultation. Le rythme des contrôles sera fonction de la technique et de l’évolution de la cicatrisation.

    Globalement, les résultats de la greffe de cornée sont très satisfaisants et permettent une bonne qualité de vie, au prix cependant d’une surveillance rigoureuse.

    Les suites 

    Le traitement post-opératoire ne comprend que des traitements locaux. Il est basé sur l’instillation de collyres et/ou pommades antibiotiques et surtout un collyre corticoïde, principale arme préventive contre le rejet pendant une période de 3 à 12 mois, selon les cas. La fréquence d’instillation sera décroissante au cours du temps. Un traitement lubrifiant est également utile, et sera adapté à l’état de la surface oculaire de chaque patient.

    Les risques post-opératoires sont nombreux mais bien maîtrisés. Après une KT, il peut y avoir un défaut d’étanchéité nécessitant la repose d’un point. Pour les greffes endothéliales, un défaut d’adhésion du greffon peut nécessiter une nouvelle injection d’une bulle d’air dans l’oeil. La cicatrisation de la surface oculaire (repousse de l’épithélium) se fait en quelques jours mais peut être retardée.

    Le suivi post-opératoire est ensuite régulier pendant 12 mois environ. La durée de vie du greffon dépend du risque de rejet de greffe, de la qualité initiale du greffon (densité de cellules), des complications possibles souvent inflammatoires ou d’hypertonie oculaire.

    Rejet de greffe

    La complication spécifique de la greffe de cornée est le rejet. Le rejet est lié à la reconnaissance par l’organisme du receveur des antigènes du greffon. Il s’en suit le déclenchement d’une cascade biologique ayant pour but de « lutter » contre le corps étranger représenté par le greffon. Le risque maximal de rejet est au cours de la première année.

    Les symptômes ressentis peuvent être douleur oculaire, rougeur, larmoiement ou photophobie. Une consultation en urgence est indispensable dans ce cas.

    Il peut cependant n’y avoir au départ aucun symptôme, d’où l’importance d’un suivi régulier par un ophtalmologiste. En effet, la rapidité de la mise en route du traitement conditionne les séquelles de l’épisode de rejet.

    Le risque de rejet de greffe est d’autant plus grand que la greffe comprend l’endothélium, que le sujet est jeune et que la greffe est de grand diamètre. Il est maximum la première année mais existe toute la vie. Pris à temps, un rejet de greffe peut être inhibé. Pris trop tard il implique une nouvelle greffe. En moyenne, un greffon transfixiant dure 20 à 30 ans. Un patient greffé très jeune peut donc avoir besoin de deux ou trois greffes par œil dans sa vie.

    Le traitement du rejet est basé sur une corticothérapie locale intensive (collyre toute les heures, voir injection périoculaire), à laquelle est parfois associée une corticothérapie par voie générale (intraveineuse et/ou orale).

    Les séquelles sont variables. Elles peuvent être quasi-insignifiantes, jusqu’à à la perte du greffon. Dans ce cas, le greffon doit être remplacé en respectant une période d’au moins un an par rapport à l’épisode de rejet.

    Il est important d’insister sur le fait que la prévention basée sur un traitement bien conduit et une surveillance régulière, sont fondamentales.

    Autres complications

    De nombreuses complications peuvent émailler les suites d’une greffe de cornée. Seules les plus graves ou fréquentes sont ici mentionnées.

    Les deux complications les plus graves sont l’infection (endophtalmie) et l’hémorragie expulsive. Elles peuvent aboutir à la perte du globe oculaire mais demeurent exceptionnelles.

    Plus fréquemment, des épisodes d’hypertonie oculaire peuvent apparaître, effet secondaire des collyres à la cortisone. Asymptomatique le plus souvent, elle nécessite une prise en charge rapide et adaptée.

    La cataracte peut être induite par le stress chirurgical et par la prise prolongée de collyres à la cortisone. Elle induit une baisse de vision que seule la chirurgie peut résoudre.

    La sécheresse oculaire, avec comme conséquence une altération de la surface cornéenne (kératite) est quasi-systématique après trépanation. Elle entraîne une sensation de grains de sable et limite parfois la vision.

    Les sutures peuvent se détendre ou se rompre. Elles doivent dans ce cas être retirées dans les meilleurs délais pour ne pas entraîner d’infection (abcès) ou de rejet.

    Si les deux yeux sont à greffer, l’opération du deuxième œil n’est théoriquement possible qu’un an après celle du premier. Il en est de même en cas de rejet de greffe.

    Les résultats visuels sont globalement bons mais la rapidité de la récupération visuelle est lente. Il faut compter 3 mois avant de retrouver une cornée transparente et au moins 6 mois voire 1 an, avant de pouvoir débuter l’ablation sélective des points de suture. Cette étape permet d’ajuster l’astigmatisme et d’équiper le sujet soit en verres de lunettes, soit en lentilles de contact à nouveau. Il existe quelques rares cas de récidives de kératocône sur le greffon.

    Référence

    Fiche d'information

    Les informations délivrées ci-dessus sont données à titre purement informatif.
    En raison de l'évolution des spécificités de chaque cas, les informations délivrées ne seraient se substituer à celles qui vous seront délivrées en consultation.
    L’équipe médicale du Centre d’ophtalmologie Jean Jaurès.