Kératocône

Sommaire

    Définition 

    Le kératocône (du grec kerato qui veut dire « cornée », et konos pour « cône ») est une maladie dégénérative de l'œil qui se traduit par une perte de la sphéricité de la cornée qui prend alors la forme d'un cône irrégulier. Le kératocône est une dystrophie cornéenne idiopathique caractérisée par une ectasie et un amincissement progressif non-inflammatoire de la cornée.

    Cette déformation, survenant souvent vers la fin de l’adolescence, engendre des troubles de la vision avec une vue brouillée, déformée qui pénalise surtout la vision. Elle nécessite une correction optique et très souvent le port de lentilles spécialisées. Le kératocône atteint généralement les deux yeux, mais la gravité de la symétrie est variable.

    Qu’est ce que la cornée?

    La cornée est une membrane fibreuse et transparente qui se trouve en avant de l'œil. Avec le cristallin, elle constitue le système optique de l’œil et permet la convergence de la lumière en arrière de l'œil, sur la rétine. La cornée est la lentille (le dioptre) la plus puissante de l’œil (42 dioptries en moyenne).

    Elle est composée de 3 couches cellulaires : l’épithélium en surface, le stroma et l’endothélium en profondeur.

    Redéfinir le kératocône

    Il semble maintenant démontré que les conséquences mécaniques exercées lors de frottements oculaires répétés soient en grande partie responsable de l’apparition d’un kératocône.

    Le kératocône se caractérise par l’apparition d’une déformation de la cornée responsable de symptômes visuels et de signes topographiques évocateurs. Cette déformation est directement liée à l’action de frottements oculaires répétés, responsables d’un stress mécanique de la cornée.

    Le kératocône ne serait donc pas une dystrophie primitive, ni une maladie génétique, mais un syndrome d’origine acquise et mécanique : sans frottement, sans stress mécanique répété, il n’y aurait pas de survenue de déformation du dôme cornéen, et donc de kératocône.

    Les symptômes du kératocône

    Les premiers symptômes sont :

    • une myopie et/ou un astigmatisme anormalement évolutifs
    • une vision mal corrigée par les lunettes
    • des difficultés d’adaptation aux lentilles
    • des difficultés pour la conduite nocturne
    • une fatigue visuelle, des maux de tête

    Population concernée 

    Le kératocône touche aussi bien les femmes que les hommes sans prévalence de sexe, et quelle que soit leur origine géographique, même s’il semble que les populations Asiatiques et Maghrébines soient plus souvent affectées. Le kératocône est habituellement découvert à la puberté (entre 10 et 20 ans), mais il peut survenir à tout âge. Il évolue dans 82 % des cas avant 40 ans. Le nombre de nouveaux cas diagnostiqués par an est d’environ 1/2000 habitants.

    Certaines maladies rares peuvent faire rechercher et découvrir un kératocône, et représentent un facteur de risque. Citons par exemple :

    • la trisomie 21 (syndrome de Down)
    • la maladie de Marfan
    • la maladie d’Ehlers-Danlos
    • l’amaurose congénitale de Leber, etc…

    Certains facteurs ont été reconnus comme associés à un risque plus important de développer un kératocône :

    • les antécédents familiaux de kératocône sont retrouvés chez environ 20 % des patients.
    • la présence d’un terrain allergique (atopie) est retrouvée chez près de 50% des patients.
    • le frottement régulier des yeux a été identifié comme délétère.
    • la présence d’une maladie générale du collagène est rarement retrouvée.

    Quatre stades cliniques distincts sont classiquement décrits. Ils permettent de positionner les patients dans le cadre habituel de l’évolution de la maladie :

    • le stade infra-clinique ou latent : absence de signe clinique et fonctionnel.
    • le stade fruste : présence de signes cliniques légers sans retentissement fonctionnel important, mais un inconfort visuel se manifeste avec une baisse d’acuité visuelle, un astigmatisme plus ou moins associé à une myopie.
    • le stade avéré : tableau clinique marqué avec retentissement fonctionnel, aggravation des troubles visuels et apparition d’une déformation visible de la cornée.
    • le stade compliqué : évolution péjorative de la vision malgré une bonne prise en charge, avec un amincissement associé à une perte de transparence (cicatrices ou opacités au sommet du cône) et risque de kératocône aigü, impliquant souvent la réalisation d’une greffe de cornée.

    Examens nécessaires pour détecter un kératocône 

    Le biomicroscope

    Le biomicroscope (ou lampe à fente) est l’outil que l’ophtalmologiste utilise en routine pour examiner l’œil de ses patients. Il permet la recherche de signes évocateurs d’une ectasie cornéenne, tels que les stries dites « de Vogt » (fines striations en rapport avec des plis anormaux de la cornée), l’anneau dit « de Fleischer » (halo jaune-brun visible à la limite de la zone déformée et non déformée de la cornée), des opacités ou cicatrices cornéennes souvent situées au sommet du cône qui sont en rapport soit avec un épisode de rupture aigüe de la cornée (hydrops), soit avec un frottement prolongé du sommet du cône contre une lentille de contact, soit avec des séquelles d’un abcès de cornée.

    L’hypertrophie apparente des nerfs cornéens est aussi souvent retrouvée.

    A un stade très avancé, le bombement de la cornée est tel qu’il devient visible à l’œil nu soit de profil, soit dans le regard vers le bas (la cornée déforme en « V » la paupière inférieure, c’est le signe «de Munson»).

    Enfin, très rarement, l’évolution peut se compliquer d’une perforation, d’un abcès infectieux ou d’œdème aigü et douloureux de la cornée (hydrops).

    La topographie cornéenne

    Elle est obtenue par un topographe cornéen spéculaire dont la principale fonction est de mesurer la forme topographique de la face antérieure de la cornée. Elle est indispensable au diagnostic, reproductible et conditionne la qualité du suivi. Son relevé se lit comme une carte géographique, les couleurs chaudes correspondent à des surélévations, les couleurs froides à des dépressions. Elle permet d’identifier avec précision la position et l’importance de l’ectasie kératocônique.

    Certains topographes sont capables de donner une image topographique des deux faces (antérieure et postérieure) de la cornée : il s’agit de topographes d’élévation.

    Une carte différentielle donne ainsi le relevé de l’épaisseur de la cornée en tout point (pachymètrie). Des indices prédictifs du risque de présenter une topographie évocatrice d’un kératocône fruste ont été développés et permettent à présent un dépistage précoce. Ils reposent sur plusieurs paramètres comme : l’épaisseur minimum de la cornée centrale, l’étude de sa régularité, l’amplitude de sa cambrure (kératométrie), sa symétrie par rapport à l’axe horizontal ou à l’œil controlatéral. Les critères les plus connus sont ceux de Rabinowitz, Roush, Klyce et Maeda.

    La pachymétrie

    Elle consiste en la mesure de l’épaisseur de la cornée notée en micron (μ). Pour information, une cornée normale mesure environ 12 mm de diamètre, sa pachymétrie est de 520μ (un demi millimètre) au centre et d’environ 700μ en périphérie.

    Pour un kératocône évolué, il n’est pas rare de retrouver moins de 400μ au centre. Le point d’amincissement le plus important n’est pas obligatoirement au centre de la cornée mais en général déporté au sommet du cône qui le plus souvent, est en position nasale et inférieure.

    La mesure de l’épaisseur de la cornée peut être obtenue de différentes manières :

    • par une sonde à ultrasons avec contact de la cornée (principe de l’échographie)
    • par topographie cornéenne d’élévation (mesure optique)
    • par interférométrie (OCT)
    • par microscopie dite confocale (HRT) ou spéculaire

    Traitement 

    Les lunettes

    Il s’agit du premier équipement optique proposé pour les formes débutantes avec un astigmatisme myopique peu important.

    Les lentilles de contact

    C’est la correction de choix pour la majorité des patients atteints de kératocône. L’adaptation est délicate et nécessite une adaptation spécialisée.

    Elle est réalisée en lentilles de contact rigides qui permettent de gommer une grande partie des irrégularités de la cornée. Les lentilles rigides sont beaucoup plus efficaces mais plus complexes à adapter. On peut avoir recours à des lentilles hybrides, rigides au centre et souples en périphérie, afin d’obtenir une meilleure correction, une stabilisation de la lentille et un meilleur confort pour les patients. Une rubrique dédiée à l’adaptation des lentilles est disponible sur ce site.

    Lorsque la lentille n’est pas ou plus tolérée, il est licite de proposer une alternative chirurgicale.

    Pour information, le kératocône fait partie des rares cas de prise en charge partielle du coût des lentilles par la sécurité sociale (conformément au TIPS). Les conditions de remboursements des lentilles par les caisses complémentaires dépendent du contrat que vous avez choisi.

    Le cross-linking du collagène cornéen

    Ce traitement est capital pour éviter ou limiter le risque d’aggravation des formes précoces avec baisse d’acuité visuelle et recours à des traitements chirurgicaux : greffe de cornée notamment.

    Le crosslinking du collagène cornéen a pour but de « rigidifier » une cornée biomécaniquement instable.

    La technique standard repose, après « grattage » de l’épithélium cornéen, par l’instillation de riboflavine (Vitamine B2) pendant 30 minutes, suivie d’une irradiation par des UV-A pendant 30 minutes.

    Les indications du cross-linking ne concernent que le kératocône évolutif. Il n’est pas réalisé systématiquement en l’absence de progression avérée, sauf chez l’enfant où le risque d’aggravation rapide est important.

    Les résultats sont concordants dans la littérature et rapportent une stabilisation de la maladie dans près de 90% des cas. Un certain nombre de patients peut cependant voir son kératocône continuer d’évoluer malgré le traitement.

    Les anneaux intra-cornéens

    Les anneaux intra-cornéens sont des petits segments d’anneaux semi-circulaires rigides en PMMA (plexiglas). Leur place dans la prise en charge thérapeutique se situe entre l’échec de l’adaptation en lentille et le recours à la greffe de cornée.

    L’utilisation des anneaux intra-cornéens est utile à un stade avancé de kératocône et permet de retarder l’heure de la greffe de cornée.

    Les greffes de cornée

    Le principe de la greffe de cornée est simple. Il s’agit d’échanger la partie centrale de la cornée malade par la même partie de la cornée saine d’un donneur décédé. Le prélèvement, la conservation et la délivrance des greffons sont très strictement codifiés. La greffe de cornée est un geste chirurgical à présent bien maîtrisé. Les kératocônes représentent environ 1/3 des indications de greffes de cornées. Seuls les patients dont l’acuité visuelle est insuffisante avec des lentilles de contact sont inscrits sur la liste d’attente pour un greffon cornéen.

    La première étape est l’inscription sur la liste des patients à greffer. L’attente dépend du nombre de cornées prélevées et de la demande pouvant varier considérablement d’un centre à l’autre.

    Le jour de l’intervention, le patient arrive à jeun. Le geste chirurgical dure entre 1 heure et 1h30 selon la technique. Une ou deux nuits d’hospitalisation sont en général nécessaires. Un arrêt de travail d’un mois est souvent prescrit. Un traitement antibiotique et anti-inflammatoire est prescrit en collyres à dose dégressive pour une durée de 6 à 12 mois selon la technique.

    Il existe plusieurs variantes chirurgicales. On parle de greffe transfixiante lorsque toute l’épaisseur de la cornée est remplacée, de greffe lamellaire antérieure lorsqu’il s’agit uniquement de la partie externe de la cornée qui est greffée et de greffe lamellaire antérieure profonde (ou pré-descemétique) lorsque toute la cornée est greffée sauf sa couche la plus postérieure (membrane de Descemet + couche endothéliale). L’endothélium est un élément important de la cornée qui assure la transparence du greffon grâce à un contingent de cellules qui ne peuvent se renouveler.

    Les greffes lamellaires antérieures donnent des résultats optiques peu satisfaisants et la greffe pré-descemétique est plus délicate à réaliser. Selon les cas, une greffe pré-descemétique n’est pas réalisable et sera convertie en greffe transfixiante.

    Le chirurgien choisira le type de greffe le plus adapté pour chaque patient.

    Le chirurgien doit informer son patient des risques opératoires. Ils sont assez faibles mais existent tout de même. Pendant la chirurgie, le centrage de la découpe est un moment clé, car il va influencer la qualité de la vision. Le greffon d’un diamètre moyen de 8 mm est suturé minutieusement par 16 points de sutures séparés non-résorbables, ou par un surjet unique.

    Si les deux yeux sont à greffer, l’opération du deuxième œil n’est théoriquement possible qu’un an après celle du premier. Il en est de même en cas de rejet de greffe.

    Les résultats visuels sont globalement bons (en moyenne 5/10) mais la rapidité de réhabilitation visuelle lente. Il faut compter 3 mois avant de retrouver une cornée transparente et au moins 6 mois voire 1 an, avant de pouvoir débuter l’ablation sélective des points de suture. Cette étape permet d’ajuster l’astigmatisme et d’équiper le sujet soit en verres de lunettes soit en lentilles de contact à nouveau. Il existe quelques rares cas de récidives tardives de kératocône sur le greffon.

    Globalement, les résultats de la greffe de cornée sont très satisfaisants pour le kératocône et permettent une bonne qualité de vie aux patients, au prix cependant d’une surveillance rigoureuse.

    Références

    Fiche d'information cross-linking

    Fiche d'information anneaux intra-cornéens

    Les informations délivrées ci-dessus sont données à titre purement informatif.En raison de l'évolution des spécificités de chaque cas, les informations délivrées ne seraient se substituer à celles qui vous seront délivrées en consultation.L’équipe médicale du Centre d’ophtalmologie Jean Jaurès